samedi 5 juillet 2008

Débordée

A l’hôpital les distractions sont rares. Alors ouais ya la télé mais c’est déjà pas Byzance niveau films et émissions potables en prime time alors autant dire que le reste de la journée c’est le désert de Gobi au meilleur de la saison sèche.
Alors ouais ya la lecture, mais je sais pas si z’avez déjà tenté de lire un bouquin avec un seul bras valide sans pouvoir en plus se servir de l’option ventre en repose-livre, mais croyez-moi sur parole c’est la tendinite assurée le retour et donc la durée du divertissement c’est plutôt genre coït de lapin qu’après-midi full time. Pis même si j’avais pris des cours accélérés avec David Copperfield pour faire tenir les bouquins en lévitation indolore, je suis pas 100% sure que je mourrais d’envie de mettre à profit mon séjour ici pour me refaire une culture littéraire et m’attaquer genre à Guerre et Paix. Que celui qui vient de dire « ouh, elle a jamais lu Guerre et Paix » se dénonce immédiatement. Ben nan, et même, savez quoi, j’ai jamais lu un Proust non plus et pourtant j’ai très bien fait illusion en prépa littéraire. Que les éventuels lecteurs de 17 ans aient les paupières loooourdes, se concentrent sur ma voix, et oublient immédiatement cette dernière phrase. Que les éventuels lecteurs parents de jeunes de 17 ans aient les paupières loooourdes, se concentrent sur ma voix, et me pardonnent immédiatement cette dernière phrase.
Alors ouais ya le sudoku, mais je sais pas si c’est la morphine ou quoi, mais là, marche pas. Déjà bien sur ya le même problème technique de prise en main des ustensiles qu’avec l’activité lecture, la question du crayon en plus, mais surtout ya que alors qu’en temps normal je suis juste la championne du monde du sudoku que c’est où tu veux quand tu veux que je te règle ton compte au contre la montre sur un samouraï fiendish (lecteurs non initiés, mille pardons, ce serait trop long de décoder tout ça), ben là de suite même une vieille grille simple dans un vieux bouquin honteusement intitulé « le sudoku pour débutants : des grilles faciles pour vous initier », j’ai du en abandonner la moitié sans pouvoir finir. La honte ! A la minute où je sors d’ici j’allume un barbec’ avec ce livre pour effacer toute trace de cet infâme déshonneur.
Donc une fois éliminées toutes ces possibilités, me reste quoi, moi, comme option, pour essayer de pas mourir d’ennui plus vite que de maladie ?
L’occasionnelle joke-party avec l’étudiant infirmier qui commence à devenir un poil lourd et pis là ça y est je crois que c’est bon, je connais toute sa vie en entier...
L’occasionnelle séance de dédicace photo avec les aides soignantes qui viennent s’extasier devant les bouilles irrésistibles de mes mouflets scotchées sur la potence à perf (j’avoue, j’ai craque, je l’ai fait : j’ai non seulement apporté une photo mais en plus elle est suspendue de sorte que je puisse la voir rien qu’en tournant la tête... et je confesse même que une ou deux fois j’ai bisoute la photo avant d’éteindre la lumière, avec même la larme à l’oeil et tout telle la pire vraie mère poule fan de ses rejetons que j’avais juré que jamais je serais... comme quoi ils vous filent des drogues ici qui vous font faire des trucs insoupçonnés.)
L’occasionnel échange communicatif super enrichissant avec la femme de ménage sur le temps qu’il fait avec toujours la question cruciale : fera-t-il plus chaud aujourd’hui qu’hier ? Suivie de près par la fameuse et non moins inévitable : «ils» ont dit qu’il allait pleuvoir mais on dirait que c’est pas encore pour aujourd’hui...
Sortie de ça et des changements de perf, nettoyages de pansements, toilette au gant microfibre jetable (ça devrait juste être interdit cet immondice tellement la texture est affreuse que tu te sens plus sale après qu’avant) et de quelques allers-retours aux WC (qui Dieu merci prennent une bonne dizaine de minutes le temps de s’extirper du lit, de désemmêler les tuyaux de perf, de se sortir de la culotte filet sans s’arracher le drain, puis d’escalader le lit par la face nord et d’essayer de se remettre de l’expédition sans agoniser dessuite), ben sortie de ça ça me laisse bieeeeen le temps de me dire que la vache, j’avais jamais remarque que 24 heures ça durait aussi longtemps que ça.Nan, sans dec’ 24 HEURES ! Et tous les jours en plus ! Nan, c’est beaucoup trop long. Tiens, je vais écrire au gouvernement pour demander une loi qui créerait un discontinuum espace-temps en milieu hospitalier pour qu’on réduise de moitié le temps d’ennui des patients. Enfin, dans un premier temps. Paske dans un deuxième si on pouvait carrément juste passer en accéléré voire zapper totalement tous les moments ou ya rien d’autres à glander que de réfléchir à où on a mal, je suis sure que ce serait plus confortable pour tout le monde. Ouais, tiens, je vais faire ça, ça m’occupera toujours quelques minutes... voire quelques heures si je fais un brouillon, que j’écris à la main avec une plume d’oie et que ça doit être lisible et sans faute d’orthographe.

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