samedi 5 juillet 2008

Guirlandes

C’est le grand jour. D-Day. J’ai même pas eu le temps de mettre en place un compte à rebours, de convoquer une fanfare et d’acheter du Champomy pour fêter dignement le truc vu qu’on me le promettait toujours pour « d’ici quelques jours » sans jamais donner de date et que j’avais fini par croire que ça n’arriverait jamais.
Mais non, ça y est, c’est aujourd’hui et c’est la maintenant tout de suite : je suis officiellement, concrètement et totalement déperfusée.
Pu de tuyau sortant (ou entrant ?) de moi qui me faisaient ressembler à un sapin de noël mit guirlandes de latex designé par John Galliano...
Pu de potence à traîner en laisse pour aller aux toilettes et qu’on sait pas où caser pour pouvoir s’approcher suffisamment du lavabo pour se laver les mains sans s’arracher un bras ou s’assommer avec la potence paske ils m’ont pas laissé assez de mou dans les tubulures...
Pu de cathéter qui fait mal dans la main/le bras/le cou que tu te demande à quoi ça sert, finalement, de te faire plein de trous qui font mal pour te passer des calmants qui doivent t'enlever le mal que t'avais avant ailleurs...
Pu de collant pour tenir le cathéter qui s’écorne et qui se scotche à tout ce qui passe y compris tes cheveux...
Pu de bandage qui maintenait en place le dernier cathéter pour pas qu’il bouge et me pète ma toute toute toute dernière veine valide que tu dois te contorsionner pour te laver les mains sans l’imbiber d’eau pour sauver ta main de la macération gangrènante, à moins qu’elle ne décède de galle léprosique tellement ouah la vache ça réchauffe la bande Velpeau par 45 a l’ombre...
Pu de réveil en sursaut emmêlée dans les tuyaux que tu te prends pour un méchant rattrappé par Spiderman.
Pu de re-réveil en sursaut quand les infs raboulent en pleine nuit pour changer le pochon que t’as envie de leur dire que ok on leur a appris que la relation patient est super importante mais nan vraiment c’est pas une violation de l’article 4-b de la charte des droits du patient hospitalisé si vous m’informez pas que « bonsoir madame, c’est l’infirmière de nuit, je viens vous changer la perfusion » en m’allumant le plafonnier 100W dans la tronche...
LIBRE, enfin libre de mes mouvements je suis.
C’est tellement trop beau que je réalise pas encore vraiment, j’avoue.
Paske ya quand même eu un moment en réa où j’avais un chouette look de sapin de noël avant-gardiste avec toutes mes guirlandes ! Entre la voie centrale à trois entrées dans la jugulaire, trois cathés dans chaque bras et tout un tas de sacs à jus, de flacons et autres bouteilles suspendues tout autour de moi qui faisaient « plop-plop » 24h sur 24, nan vraiment, j’étais juste une oeuvre d’art contemporain digne de Beaubourg. Sans compter qu’à ce moment-là j’avais aussi 4 tuyaux « sortants » du ventre pour drainer les restes de saletés, la sonde urinaire qui faisait pipi pour moi, la sonde gastrique, et le chti tuyau sous le nez pour l’oxygène. Je devais être sublime à faire peur comme Christmas tree ! Les trois quarts de Silicone Valley ont du être réquisitionnés pour fabriquer assez de tubulures... milles excuses encore à la planète et aux générations futures pour tout ce plastic pas fantastique que j’imagine non recyclable.Mais ça y est maintenant c’est fini. Je me demande ce que je pourrais faire de fou pour fêter l’événement... tiens, j’irais faire quelques longueurs de couloir tout à l’heure, fièrement seule. Ou tristement seule ? Nan mais c’est qu’on finit par s’y habituer, à ce fidèle teckel qui suit partout à moins d’un mètre. C’est aussi que c’est bien pratique quand on a la jambe molle de pouvoir de temps en temps sauver sa face de l’éclatement sur lino gerbique en s’agrippant à sa potence ! Ou de pouvoir poser les pieds dessus pour aller faire pipi pask’on a des jambes de naine et qu’on touche pas le sol quand on est sur les WC suspendus !

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