samedi 5 juillet 2008

J’ai pas de veine

Qui dit encore ça comme expression? A part ma grand-tante de 93 ans, j’entends? Ben moi, apparemment. Mais, bon, sans vouloir me la péter khâgneuse-ex-presque-normalienne, disons que la valeur sémantique de l’expression diffère quelque peu vers une tournure nettement moins figurée et dans mon cas carrément 100% littérale. Je traduis pour les malheureux qui auraient fait maths sup. au lieu de lettres sup., ou pire, qui n’auraient pas fait de prépa du tout (nan, en vrai, ça existe ça? Si oui faudra que quelqu’un prenne un jour trente secondes pour expliquer ça à ma mère paske à l’époque de mes tendres 18 printemps j’ai tout gobe quand on m’a dit que juste c’était pas possible de pas faire de prépa, en fait).
Donc, disais-je, en français vernaculaire dans le texte, quand ma grand tante de 93 piges dit “j’ai pas de veine”, elle veut dire qu’elle a grave les boules que ses collants à varices soient plus en promo à 2 paires pour le prix d’une chez le pharmacien. Ceci, gens illettresuppés, est un sens figuré. Rien à voir donc avec sa circulation sanguine (encore que les khâgneux apprécieront la métaphore filée rapport aux collants à varices, private joke ;-))). Par contre, quand moi perso je titre ce post “j’ai pas de veine”, je parle au sens littéral, du concret, quoi, et je veux dire que des veines (les tuyaux dans ton corps avec le sang dedans) j’en ai pas.
Enfin, PLUS, paske j’en avais, AVANT. A la naissance, forcément, in utero aussi, pendant toute ma jeunesse et ma petite enfance... pendant 30 ans je me suis baladée comme ça, avec des veines de partout, sans y penser, sans y faire attention, inconsciente de la chance que j’avais. Pauvre de moi! Folie de la jeunesse, tendre insouciance de “l’avant”...
Maintenant, “après”, après les IV et les perfs, les prélèvements et les prises de sang, les hémocultures et les gazométries, les dextros et autres saignées en tous genres, A’PU. Nada. Niente. Que dalle. Désert total. J’ai pas de veine. Doit bien y en avoir une ou deux planquées quequ’ part mais on les a pas trouvées...
Tu penses, elles ont du voir ce qui est arrivé à leur copines et elles on fait leurs valoches viteuf pour se planquer derriere un amas graisseux, une couche adipeuse, un organe quelconque ou, pour les plus chanceuses ou les plus pistonnees, carrement derriere un os. Nan paske faut voir ce qu’on leur a fait subir aussi, aux copines. Au bout d’un moment tu peux pas non plus leur en vouloir de tenter de sauver leur peau! Forcément quand tu vois toute ta famille décime par les veinites inflammatoires, les scléroses de surmenage et autres explosions pures et simples, tu fais tout ce que tu peux pour pas te faire choper.
Et c’est a partir de ce moment la qu’on attaque le combat de catch entre l’infirmier surmotivé/surentraîné/surarmé et la veine dopée a l’instinct de survie. Et en vrai si tout ça se passait pas à grands coups d’aiguilles dans mes bras ou de cathéter dans mes mains, j’vous jure que je trouverais ça super marrant.
Le but du gars en blouse blanche (ou de la fille, mais le gars étant souvent plus machistement persévérant c’est plus mieux pour le spectacle), c’est donc de catcher the veine (euh, ouais, je fais de mon mieux pour que vous crouliez pas sous le complexe d’infériorité mais bon à la fois j’y peux rien si j’arrive à vous caser dans une seule phrase une figure de style littéraire et une preuve indubitable de bilinguisme flagrant).
Le but de la veine, elle, c’est de pas se faire pécho paske si l’aiguille la choppe elle sait qu’elle peut de suite liquider sa convention obsèques.
Et donc le gars en blouse blanche pique (oui, d’abord il commence par être zen et sûr de lui et balance de façon civilisée “inspirez bien fort et détendez-vous, je piiiique” que quasi tu te dis “même pas mal”). Ensuite la veine fait un bon de côté pour sauver ses miches ou s’enterre sous la peau comme tourteau in the sand, et là, sursaut de testostérone du couillu en blouse blanche qui en a vu d’autre et qui va pas se laisser faire comme ça: il y va franco, il pique plus loin, plus fort, plus dur, et vas-y que j’te gigote l’aiguille, que j’te la vrille dans le bras en faisant carrément des moulinets avec pour pas s’avouer vaincu et embrocher l’adversaire redoutable. Du coup il en oublie de pas te faire mal, et même des fois si la veine récalcitre trop (quoi c’est pas un verbe? Z’avez fait hypokhâgne ou quoi?) il devient franchement vulgaire, le mec. Aucun respect pour l’instinct de survie de mes chtites veines a moi qui me restent et que j’aimerais bien qu’on y lâche la grappe...
Ma préférée c’est celle à l’intérieur de mon avant-bras. Elle est juste subliiiiime paske elle est énooorme, on la voit bien, on la palpe bien, on la voit qui pulse sous le garrot, et elle nargue le mec en blouse qui peut pas s’empêcher de dire “oh qu’elle est belle celle-là! Celle-là on va l’avoir vous verrez ça va être trop facile!”. Et moi je me bidonne intérieurement à en pleurer (enfin, j’en pleure aussi un poil de douleur quand il s’acharne à me forer un puits a pétrole genre Dallas dans la bras). Paske ma super veine subliiiime de l’intérieur de mon avant-bras PERSONNE a jamais pu la choper. PERSONNE. Et pourtant yen a un paquet qui on tenté le coup et qui en ont bouffé leur blouse blanche!

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